Jardin dans tous ses états 1998

 

Assier (46)

 

 

 

Pendant dix ans(85-95), sous l'ère d'Alyce, alias Jean François Prigent, le festival d'Assier s'est taillé à coups d'audace et de risques une réputation de Place Forte parmi les chantiers artistiques de la création culturelle contemporaine. Et Alyce rendit son tablier de Jardinier.

En 96 et 97 Lilian Alric, assiérien, trompettiste à la fanfare reprend le flambeau, ajoute...

98, une nouvelle équipe formée du Trio Warot-Sigaud-Pado(vani) se commet et bonan malan, si l'alycium fleurit encore sur les murs du Château Renaissance de Galiot de Génouillac, la pertinence n'est plus ce qu'elle était, même si quelques salves salvatrices sont encore tirées chez le Grand Artilleur du Roi François 1er. Visite d'un Jardinier attentif à la 13ème de 1515.

 

Samedi 8 août.

Sur les causses du Querçy le soleil est de plomb. Fa cisampa, coma disià mon grand-père, quand on arrive, aux alentours de 13h30, dans ce village où les jardins sont rois. A la Gloriette (bureau d'accueil de l'ARCA) les passes Improjazz sont prêts, le resto-camps mexicain est à sa place habituelle, Rigolo assure les demis et l'aliment. Chez Noëlle, Bernard Bahut et les responsables de la finance sont à table; au bar, les Alric père et fils au Ricard, "oh... Jacme et Patricia... ça fait plaisir, vous buvez un coup avec nous..." Sacré Lilian, toujours sur la brèche, il est super heureux de nous revoir.

Bon c'est pas tout mais on est là pour oeuvrer, déjà qu'on a louper, ce matin, le Duo Tierra Azul de Jean Marie Machado et Ramon Lopez... Au Jardin des Contes, les pichons sont dans leur monde, sous les platanes la cantine range ses plat, Kitz est là, tee-shirt de Picasso sur le dos et sac de photographe sur l'épaule. Je lui parle d'Improjazz et le somme de s'abonner.

15h30. Au Verger Martigoutte la chasse à l'ombre est ouverte. Sur la scène, quatre des membres du Collectif MU, Eric Prost(sax), Philippe Garcia(dm), Yoann Serra(p), François Gallix (cb) sont à l'ouvrage et brodent du jazz. Bon c'est tranquille, un peu trop à mon goût mais la chaleur à l'heure de la sieste... La jeunesse roupille et c'est dommage.

 

16h30. Dans la foulée nous allons au Jardin Paoli, deuxième étape musicale du Collectif MU éclaté. Là, Philippe Garcia(dm), Gaël Horelloux(sax), Loïc Rechard(g) se lâchent, le trio joue sur une rythmique plus hard, le sax déborde ses sons, le public est plus accroché, "Ca va mieux que ce que j'ai entendu là bas..." Pat a retrouver le sourire pour la musique, Rita s'est dézinguée un ongle de sa patte avant droite, un còp de biguine per lo final et nous allons sous la Halle voir et entendre le trio Tricot/Charles/Dombrovszky. Sculpteur sur arcs, violoncelliste, tromboniste en action, ballet sonore mouvant et émouvant où la geste, les voix, prennent formes au grès du désir de l'instant... Une performance toujours aussi surprenante, bonne "Visite Inattendue".

19h. Il fait meilleur, les terrasses des cafés lézardent et Place des Marronniers la Fanfare enfanfare son swing avant que les stagiaires de l'atelier Jazz et Musique traditionnelle, dirigé par Alain Gibert rendent leur copie avec beaucoup d'à propos. Passage à la cantine où les cuistos des "Saucisses du Bronx" servent un chili concarn à toutes épreuves et cap vers Château.

21h. Il y a du monde et les concerts commencent à l'heure. En ouverture, les "Neufs Mutants" du collectif MU se retrouvent ensembles pour nous servir un jazz nourrit à l'énergie de leur jeunesse. Coltrane et Mingus s'invitent sur leur chemin de ronde, aucun risque de se perdre, les balises hard bop émettent en tri-saxé, bien soutenues par un jeux de double contrebasses. C'est bien joué, ça plaît, mais est-ce suffisant pour affronter l'Assier? Non, ces Mutants là sont loin d'avoir finis leur métamorphose. Hey les MU, le temps presse!

La lune pleine témoigne de sa lueur homéopathique quand "Un des 4x3" de Daniel Humair prend possession de la cour à Galiot. Avec Jean François Jenny-Clark et Stéphano Di Batista il nous entraîne dans un tour de la planète jazz noire américaine, leurs salves ne sont pas tirées à blanc, d'Ornette à Billie, rumba et vacances au château, clin d'yeux au père Louis from Alabama..., et retour à Coleman pour sortir en grands vainqueurs. Le bonheur est dans la cour, Jenny-Clark tire de sa contrebasse des boules son d'une rondeur parfaite qui rebondissent sur la façade de pierres en Renaissance, d'aujourd'hui à très loin... Di Batista travaille son alto et go, distille un lyrisme lumineux, Humair est de bonne, son jeu tonne, roule, frise, vibre, crisse, Mestre drummer devient Passeur d'époques avec toujours le souci de la sienne, retour vers le plus que parfait du subjectif, "...s'amuser à jouer... Sinon faut arrêter..." Après ce merveilleux moment de musique, je bloque au resto mexicain, les Musiciens du Collectif sont là, une brave discussion s'engage entre nous, au loin, les échos du Hadouk Trio de Didier Malherbe se laissent entendre, nous mettons le cap vers le Mas de la Biscle.

 

Dimanche 9 août

La journée s'annonce torrides, pas une once de vent, pas un nuage à l'horizon.

 

11h30. Au Verger Martigoutte, à la demande générale, le Trio Apollo s'installe sous les arbres, à la fresca, à coté de la buvette. Autin, Capozzo, Gibert, alto/trompette/trombone, acoustique toute. Tour à tour volubiles, fantasques, complices, les trois arfiens nous régalent, nous rafraîchissent de leurs divertissements musicaux ciselés des imaginaires fertiles en découvertes.

 

14h30. Midi solaire, une heure où l'on ne met pas un quercynois dehors et pourtant ils sont là, pas trop gênés du décalage horaire, les autochtones ont répondu présent à l'appel de Xavier Vidal, extraordinaire musicien qui depuis plus de vingt ans fait un travail d'ethnomusicologie, collectant auprès des anciens tous les trésors sonores et musicaux contenus dans les musiques de tradition populaire du Querçy. On ne louera jamais assez la force créative qui sommeille dans les folklores, un univers de vie insoupçonné, mais suivons ces indigènes, anonymes et savants, musicaires, contaires, estiflaires, laissons nous porter par la merveilleuse Alberte Forestier, la the mamie-bleus du canton dans ses odes à la caille, au loup, au renard; entendons ce choeur de femmes, accompagné simplement d'une rythmique de pieds et de mains, chantant les vertus du rossinhòlet, et celui des hommes s'adressant à la lauzette... Vous l'aurez compris, nous entrons dans le bestiaire fantastique qui habite l'imaginaire querçynois, source d'inspiration et de création qui ne demande qu'à être renouvelées, ce que font Xavier Vidal et ses amis de l'Association pour les Musiques de Tradition Populaire du Querçy. Quelle après midi! Au son des fifres et des tambours, du graile, des violons, cornemuse, bodèga, vielle à roue, brama-biau, mais aussi, clarinette-basse, trombone, cloches, de jardins en jardins, de bourrées en mazurkas, de valses en improvisations, nous avons rencontré l'étonnant Monsieur Perboyre et ses douze langues, l'occitan, le français, le chat, la palombe, lo perdigal, lo loriot, le merle, lo rossinhòl, le pigeon ramier, le coq, le canard de Barbarie, lo piòt, le pan. Plus loin Monsieur Roussilhe nous appris comment lo rey pichon (roitelet), en se nichant sur les ailes de l'aigle afin d'être plus haut que lui dans le ciel, est devenu le Roi des oiseaux... Trois heures d'une richesse incommensurable, tellement ignorée et tellement présente, une matière première pour les improvisateurs, une mine d'oc à ciel ouvert, d'ailleurs Alain Gibert, chercheur à l'ARFI ne s'est pas trompé et a fait le voyage en first classe. Je ne serait pas étonné d'une rencontre prochaine... Cette carte blanche à Xavier Vidal est, j'en suis certain, le chemin à suivre pour que la nouvelle ère de ce festival se trouve une identité.

19h. L'apéro-fanfare résonne dans tous le village, Saxidromus/Fanfare d'Assier/Compagnie Eole convergent vers la Place des Marronniers dans un rambal festif et généreux.

21h. Retour dans la cours du Château. Encore beaucoup de monde pour cette soirée de clôture où nous irons du meilleur au pire. Evacuons très vite le pire, à savoir la "Création" de Jean Marc Padovani, "Le Sud Attaque", un brouet sans saveur, présenté sur le programme avec l'étiquette "Pur Sud"(???). Stop à la world territoriale, gaffe aux appellations cardinales, non au régionalisme, je conseille à Padovani, entre autres et sans aucune animosité, de se plonger dans la lecture du "Manifeste Multiculturel (et Anti-Régionaliste)" de Félix-Marcel Castan (Ed Cocagne), écrivain, penseur, acteur, théoricien de la décentralisation cultuelle. Donc "Le Sud Attaque" et perd. Contre qui? La guerre de sécession n'a pas lieu d'être, penser Sud est un acte provincial et dangereux par les temps politique qui courent, incorporer à la va vite, parce que c'est la mode, des musicaires et leurs instruments typiques comme ce fut le cas, avec des musiciens de jazz, ne sert ni aux uns ni aux autres, "on est pas le produit d'un sol, on est le produit de l'action qu'on mène." Carton rouge!

Le meilleur est venu du Trio de Tous les Possibles. Trois multiples improvisateurs nous captent à bras le corps et nous plongent à la recherchent de nous même. Trio de forces créatives, souffles et bâtements de vie, Beñat Achiary, Michel Donéda, Lê Quan Ninh, balisent le passage obligé, sonore et percutant, fission, éclairs, freesongs, j'irai cracher sur vos bombes...

Venu d'un millénaire à pied, Masaki Iwana le Buto, marche, trébuche, rampe sur des corps, progresse vers la lumière, en haillons, il sort des ténèbres, se traîne, réussi à se hisser, les regarde et s'affale sur le ventre. L'Amusique du trio redouble ses messages hardiaques,

soubresauts, un corps se réactive, entre en lutte avec lui m'aime, bras et jambes s'équilibrent en des équilibres tenus par l'énergie musicale. Assier trempé, Renaissance à la Cours des miracles, Buto mon amiç, humble salvatge, homme aï, voit autour de toi... Achiary double la voix, soli de pierre, vrilles du soprano de Donéda, sons métal et cuivrés en timbre de multiple de Ninh, performances sonores, corporelles, visuelles, génie des montagnes, sonneur de cloches tremblantes, chasse à l'homme-animal, blessure à l'âme, sacrifice, ode à l'esprit, méditation, médicale station, veillée à la vie qui s'éveille, se dépouille, s'offre nue à la muse, un danseur vient nous visiter.

C'est la fin, sur la Place des Marronniers, le Grand Boeuf Festal entre en danse. Pas de festival sans bal, et à ce jeu, Padovani est terrible, Capozzo est de l'orchestre, amateurs et professionnels envoient à fond, à l'an que ven...

 

Jacme Gaudàs

 

 

 

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